jeudi 14 février 2008

Ti zwézo en Ma’tinique* ou la nuit d'amour

(* L’oiseau en Martinique)

Cric ! Crac ! Quittons la Métropole où grouillent ces vilains métro et en nou mèt lé vwal koté Ma’tinique !

Cric ! Crac ! Je laisse mon plumage de gros dindon qui ronge son frein dans la capitale et je me transforme en un joli Tit'iri, qui le premier entonne sa ritournelle d’amour chaque matin quand tous dorment encore.

Cric ! Crac ! J’vous raconte des craques, j’suis pas parti me dorer la pilule sous les tropiques, ce serait trooooop beau, naaaaan, c’est rien qu’une blagounette entre collègues, comme qui dirait : sa ka fè di bien dè révé dè tanzantan !

Cric ! Crac ! Point de blablatage sans foin ni fondement, point de tergiversation intempestive, allons à l’essentiel, allons au cœur du cœur du problème qui nous occupe : bon mangé-la ou comment concocter en quelques gestes extrêmement simples l’une des plus belles recettes des Antilles.

Blaff tout doux de poiscaille sans écaille pour une nuit d’amour

I fo pou 4 moun :

4 darnes de poisson à chair blanche, tendre et fondante ; 2 citrons verts ; ½ zeste d’orange ; 4 clous de girofle ; 4 grains de poivre vert ; 1 litre d’eau ; 1 gousse d’ail ; 2 oignons ; 1 pincée de cannelle ; persil ; thym ; fleur de sel et poivre noir

Marche à suivre

J-2 : Je me connecte à Lastcocotteminute.com. Je dégote au plus tôt une place d’avion en partance pour la Martinique, en classe éco de préférence, histoire d’avoir encore quelques capitaux une fois sur place pour investir dans du matériel de pêche haut de gamme. Pas la peine de me charger. J’emporte le strict minimum : une paire de jeans pour le voyage, une ou deux culottes propres (c’est mieux et puis au besoin, je laverai sur place, avec la chaleur, ça sèche bien mieux que ma lavante-séchante Milleu), une paire de chaussettes uniquement pour ne pas geler des petons au retour en métropole, une chemisette colorée mais pas moche (on évitera la chemise version Antoine dans les atolls, parce que ça craint du boudin...), mes Havaianas de prédilection (on est fashion ou on ne l’est pas !), un gros pull (pour le retour bis), et pis surtout mon matos de plongée, masque, tuba, palme et maillot de bain. Pas la peine d’investir, je réutilise mon vieux maillot Quechua acheté l’été dernier pour mes vacances au Camping Les Flots Bleus*** à Saint-Tripouille-L’Océan. Je laisse mes produits de soin : ça voyage pas dans l’avion et pis, lavé ou pas lavé, je sentirai le fishy-fish un point c’est tout !

J-1 : Je me réveille, je me réveille, j’ai un avion à prendre, faut pas l’louper !... Kwa sa ?! Tanguy et Laverdure font grève ?! Les s*** ! Les ordures ! Les *** !

Jour J : J’sais pas comment j’ai fait, mais voilà que je me réveille tout à coup sur le tarmac de Fort-de-France en Ma’tinique. Tant pis si je souffre du décalage horaire, tant pis si la chaleur m’accable tout à coup à la descente de l’avion, y’a pas tan, je file dès mon arrivée acheter et monter mon matériel de pêche. Puis, je pars à la recherche d’un bateau, d’un canot, d’une barquette, peu importe, que je mènerai tant bien que mal à la rame là-bas, plus loin, au large, après les rouleaux qui s’abattent sur cette magnifique plage de sable blanc entourée de cocotiers où je marchais à l’instant. Pour parvenir à mes fins, c’est simple comme bonjou, je ne compte que sur ma bonne étoile et sur mon charme fou et je séduis une belle îlienne aux courbes généreuses et à la peau si délic(hocol)ate, jusqu’à ce qu’elle accepte de me prêter son navire contre la promesse d’un bon repas cuisiné par mes mains expertes.

Une fois en pleine mer, j’appâte le poisson : je lui chante une chanson douce que me chantait ma manman, je lui chante la , ses reflets d’argents sous la pluie dans ses golfes clairs, je lui chante l’amour, l’amour, l’amour, je lui chante tout ce que je veux pourvu que ça marche, pourvu que je le pêche, le poisson, et à la ligne de préférence ; j’évite ainsi les rets éradicateurs de Flipper and Co. Moi, je les aime bien les dauphins, et pis c’est romantique, alors pas touch’ !

Le poisson attrapé, je reviens vite sur la plage – avant la nuit tombée, surtout, car il serait dommage de finir dans la goule affamée d’un requin marteau… enfin, pas plus marteau que moi qui ai fait tant de kilomètres pour de si petits poissons, mais bon… ce n’est qu’une question de point de vue, hein ! – car ma doudou prêteuse qui me mate aux jumelles depuis le matin, depuis la plage, de peur que je me barre avec son affreux rafiot percé sans lui apporter pitance, commence à trépigner sévèrement sur le sable et jure qu’elle me fera zouké à sa manière, un gourdin de bois vert à peine dissimulé dans la main, si je ne me magne pas mon gros tchou plumé !

Dans la cahute de ma beauté tropicale, je prépare le poisson. Je demande à ma belle îlienne un petit coup de main, elle le fera avec mil plési. Cuisiner à quatre mains, c’est plus... comment dire ?... plus mieux ! J’évite cependant de rejouer pour la énième fois la scène du potier version Ghost car, avec du poisson, c’est franchement pas ce qu’il y a de plus... sexy.

Venons-en (enfin !) au fait... Comment préparer ce blaff ?

Laver le poisson, écailler sa peau si tendre. Avec un couteau à larder, ouvrir le poisson et l’évider. Les âmes sensibles auront demandé à leur poissonnier unique et préféré de s’en charger, mais moi, moi qui suis amoureux, j’suis un battant, j’ai traversé les mers et les océans pour en arriver là, alors j’vais pas flancher si prêt du but, alors rien ne me fait peur, alors j’ouvre, alors j’évide et... GLOUPS !... je prends soin de découper le poisson en darnes de 3 à 5 cm d’épaisseur. Rincer ensuite le poisson à l’eau claire et l’essuyer avec du papier absorbant. Réserver.

Préparer le bouillon. Dans une casserole, mélanger 1 litre d’eau avec les clous de girofle, le poivre vert, la cannelle, le thym, les oignons coupés en rondelles. Mettre à chauffer le boucan sous le bouillon et porter à ébullition. Laisser bouillir 30 min. Poivrer généreusement et saler à son goût.

Préchauffer le four à 210°C. Prélever les zestes d'orange. Déposer les darnes de poisson dans un grand plat en terre allant au four. Frotter généreusement le poisson avec un citron vert. Parsemer de zestes d'orange. Arroser avec le court-bouillon épicé non filtré. Enfourner pendant 15 à 20 min. En fin de cuisson, ajouter le jus du second citron, le persil lavé et ciselé et la gousse d'ail écrasée.

Servir immédiatement les darnes de poisson arrosées avec le bouillon parfumé. Accompagner avec du riz créole et des rondelles de banane plantain frites.

Et maintenant, à table !...

J’ai pris soin de créer une ambiance de rêve, romantique à souhait, sous la lumière de mille chandelles et torches plantées dans le sable, dont les flammes se balancent doucement sous le vent chaud qui nous enveloppe. J’attends, excité comme une puce sur le dos d’un chien, que ma belle îlienne se prépare pour notre première nuit d’amour pour ce premier rendez-vous galant. Après un ti zouk endiablé, après un ti sèk ou deux (ou trois, je sais plus bien, c'est traître ces trucs-là), nos estomacs crient famine, j’invite ma douce à passer à table et j’apporte le blaff encore fumant.

« 'Tention, doudou mwen, bagail la cho, cho, cho ! »

Ma belle nègzagonal porte une cuillérée à sa bouche et souffle et souffle et souffle. Elle l’engloutit, ferme les yeux et mâche délicatement. Je n’entends plus que ses bruits de succion, le souffle léger du vent dans les cocotiers, le disque de zouk qui se tait peu à peu comme pour lui laisser la parole. Je suis sur le qui-vive à guetter la moindre réaction. Elle rouvre des yeux plein de mille étoiles et dit :

« Hmmm ! Doudou, i bon memm ! »
« Vrai ? »
« Vrai, doudou mwen. On dirait celui de manman. »

Je suis aux anges !

Elle se lève, lascive, glisse vers moi, attrape mon visage pas rasé pas lavé entre ses deux mains douces qui sentent si bon la coco et dépose sur mes lèvres tremblantes un gros ti-bo plein d’amour et là, mwen, paf, je tombe dans les corossol !

« Eh, ti z’oreilles, sa ka maché ? »
« Euh… Mwen bien, mwen bien, pani problèm, doudou mwen ! »

Elle me sourit et dépose un nouveau ti-bo, puis un autre, un autre sur mes joues, mes oreilles, m’embrasse la moindre surface de peau. Je me sens défaillir, mon œil une fois de plus s’en retourne dire merde à l’autre, avant de rouler dans son orbite et que je m’écroule le nez dans la gamelle.

Pif ! Paf ! On me réveille, on m’agite. Ma belle amante me secoue comme un cocotier :

« Reviens à toi, ohlala, doudou, tiembè raid pas moli ! Vini pran an ti sèk-sèk, ça ira mieux après ! »

Pif ! Paf ! Aïe ! La belle image de ma doudou s’efface tout à coup, il fait tout noir, j’ai froid, p*** de rhum, il me monte au cervelet. Pif ! Paf ! Aïeuh ! Merdeuh ! Quoi encore ! Ce n’est plus la douce lumière des chandelles qui m’éclaire mais une lumière froide et électrique qui m’explose les pupilles. Elle est là, face à moi, folle de rage, sa mèche brune en bataille, sa main preste et leste prête à s’abattre une nouvelle fois sur mes joues endolories. Qui ? Non pas la nègzagonal qui hante mon rêve, mais ma doudou-zwézo à moi depuis quatorze ans, ma belle oiselle, mon épouse depuis bientôt dix ans, ma Nat’ à moi.

« MAIS !... MAIS !... Mais t’es complètement barré, mon pauvre, ça va pas chez toi desfois ! Il est quatre heures du mat, on se lève dans moins de deux heures, qu’est-ce que tu crois, que je vais réussir à dormir avec un type qui s’agite, qui ronchonne, qui crie, qui me saute dessus comme un sauvage en pleine nuit ?!... »

Vite, se réveiller, se secouer, réagir, trouver une parade, ne pas laisser la colère l’envahir, sinon je me retrouve sur le pallier à poil dans deux minutes.

« Euh... Ma belle, ma douce, ma tendre, Mon Unique, je... euh... Je suis désolé, je rêvais. Je rêvais de toi, ma belle, ma douce, ma tendre, Mon Unique, de toi et de tout le bonheur que j’éprouve chaque jour à tes côtés. Je... euh... »

Tout à coup, une idée de génie, z’allez voir, j’ouvre la table de nuit où je dissimule les cadeaux et j’en sors le paquet que je lui réservais. Je le lui tends, elle s’adoucit, émue, émue de fatigue peut-être, mais émue aux larmes tout de même, ce qui n'est pas rien, comprenant que je n’avais pas oublié... pas oublié, cette année.

« Bonne Saint Valentin, ma chérie ! »
Tit'

19 graines et quelques miettes pour un cuicui affamé:

ooooooooooooooooooooooooooh, ça c'est de la déclaration d'amooooooooooooooooooour ! Que tu es romantique quand tu t'y mets !

Sophie François , le 16/02/2008 13:54  

Meuh non , t'es pas à la bourre... parce qu'on pense à tout, du coup on avait repoussé jusqu'à ce soir minuit...
T'avais même le temps pour la pêche et tout...
M'enfin, finalement, dès fois, il vaut mieux que ce ne soit qu'une fois par an la Saint-Val...

Anonyme , le 16/02/2008 16:11  

arf ... je me suis crue au soleil sur le sable chaud pendant quelques minutes, le temps de lire ton billet, avec un zozio qui gesticulait au loin dans sa barque et une belle qui l'attendait ferme à terre :)
J'ai trempé mes pieds dans l'eau, laissé les alizés m'emmêler les cheveux en rêvassant et me disant que cet oiseau là allait passer une sacrée st valentin :)

Anonyme , le 17/02/2008 09:08  

Désolée de troubler ta lune de miel, mais je t'invite à répondre à mon Tag ici
http://myfoodbox.blogspot.com/2008/02/tag-sur-la-box.html
Merci

LILIBOX , le 17/02/2008 14:35  

Ouf! jai eu peur! Si Tit' parti en Martinique, pas d'alizés pour revenir avant longtemps...
C'est un blaf du tonnerre que tu nous prépare là.

Anonyme , le 17/02/2008 17:30  

safxwjsnHé, ho, si on vous dérange faut le dire hein les tourteraux!!
Ah mais c'est pas des façons de se tenir en public, ça...
Bon, mais que vois-je dans ce blaf???? Ou plutôt: que ne vois-je point???
Pas de piment antillais???
Je viens de lire ton comm sur les piments chez Marion, alors OK, mais si tu le mets entier, surtout sans enlever la queue (hum hum), alors c'est plus du piment, c'est juste la plus merveilleuses des saveurs des îles de folie!!!
Mais si, mais si, si je te le dis...
Bon allez, je prends quand même une part de ce blaff qui a l'air bien bon, mais je vais le manger ailleurs,hein...Je vous laisse vous bécoter (Roh, savent pas se tenir ces jeunes...)

Anonyme , le 17/02/2008 18:20  

Ah m****, y a les lettres de vérification qui se sont glissées au début de mon comm...
Ca veut plus rien dire,maintenant... Tsss...

Anonyme , le 17/02/2008 18:21  

Ah ouais mon gars, martiniquais ou parti niquer, là est la question...

N'empêche qu'il tombe bien ce billet, quelques rudiments de vocabulaire bien utiles puisque j'y serai dimanche! Bon en même temps, comme dirait l'autre, j'amène mes saucisses à Francfort, puisque qu'elles ont menacé de partir sans moi si je voulais encore les bretonniser.

Enfin, je vois que je fais bien de les accompagner, le coin n'a pas l'air sur!

Beau blaff, mais comme Véro, me manquerait un peu de piment "fesse mam jacques!"

Patrick CdM , le 17/02/2008 19:11  

J'adore les contes de fée qui finissent bien. Et suppose que ton avion se soit posé aux Kerguelen et que tu doives attraper une baleine avec une canne montée pour le truite !!! Et qu'elle t'entraine au fond des océans - gelés bien sûr. Le cauchemar !!! Il te reste un joli rêve, une super recette et une doudou toute contente : la totale. Veinard

Anonyme , le 17/02/2008 22:46  

hé ben dis moi, ta siant valentin c'est tout un poême :) !!! J'me serais bien icrustée moua pr gouter !!!

Ganesha , le 18/02/2008 11:11  

du grand, très grand tit', j'en reste sans gazouilli ;-) bien joué l'ami

Claude-Olivier Marti , le 18/02/2008 17:10  

Ah l'amour... entre ce qu'on dit et ce qu'on fait, que de différence. Heureusement, il reste la cuisine pour dire son affection.

Anonyme , le 19/02/2008 13:01  

Un vrai voyage au pays de l'amour!...pour un peu je me serai crue à la maison (mon homme aussi il a un tiroir à cadeaux, c'est vrai que ça dépanne bien! et n'allez pas croire qu'on est futile voir matérialiste, nous les pauvres femmes!)
N'empêche cette recette , ça donne du peps aux poissons blancs!

lydian , le 19/02/2008 20:18  

Rien à dire, ça a l'air délicieux...je suis juste un peu refroidie par le J-2....

Anonyme , le 20/02/2008 09:58  

Vu que t'aime l'exotisme, ça m'intéresserait de connaître tes associations favorites ! RDV on my blog!

Sha , le 21/02/2008 16:21  

P'tit zwezo, tu t'es fait taguer...
Va voir là : http://www.nataliakriskova.com

Natalia Kriskova , le 25/02/2008 23:14  

Génial!

Anonyme , le 25/02/2008 23:16  

si ou ka aimé elle ou ka emmené ti chérie doudou mangé kaï zot'
et si ou lé ba elle an ti bo ou ka fé cado et gwan sourire

ah ! les Antilles... j'y ai vécu 6 ans... le blaff correspond à ce que l on appellerait nous un court-bouillon relevé
et où as-tu mis le piment bonda mama et li ti punch ?

Saperlipopote ! , le 03/03/2008 15:16  

pardon : le piment bonda manjak et le ti punch ?

Saperlipopote ! , le 03/03/2008 15:19